Histoire du Théâtre

65 saisons...

Le Théâtre Arlequin est né à Liège en 1956, fondé par José Brouwers et quelques amis sortis, comme lui, du Conservatoire. Il se révèle d’abord comme une compagnie d’animation de quartier. Il est hébergé par la Ville de Liège, dans la salle des fêtes du Laveu occupée déjà par un ciné-club. La jeune troupe joue, pour un public populaire, Molière, Corneille, Shakespeare, Musset, Mérimée, Goldoni et des comédies contemporaines, notamment d’auteurs qui furent interdits par Franco, Mussolini ou Hitler, une revanche pour Garcia Lorca, Ugo Betti ou Bertold Brecht, sans négliger les dramaturges à la mode comme Anouilh, Cocteau, Salacrou ou Feydeau dont le répertoire sottement méprisé trop longtemps, s’affiche enfin à la Comédie Française.

 

Hors les murs

Le Théâtre Arlequin participe en 1962 au Festival de Vichy, avec une farce inspirée du « Tricorne » d’Alarcon. La presse auvergnate, au lendemain de la représentation, titre : « Les Liégeois se sont taillé la part du lion. ». Il crée lui-même en 1982 le Festival de Fumal en Hesbaye qui, suite à une querelle villageoise, fera hélas long feu. Il participera à trois reprises au Festival de Spa, deux fois au Festival de Trigance, sur les hauteurs de Nice, et quatre fois au Festival du Jeune Théâtre à Liège. Cinq fois en dix ans, la compagnie liégeoise remportera le Trophée Royal d’Art dramatique qui récompense chaque année le meilleur spectacle produit en Wallonie. Ces succès lui vaudront d’être invité au Théâtre National pour une série de quinze représentations de « Don Juan ». Comme plus tard, Arlequin affichera « Etoiles rouges » au Rideau de Bruxelles. Sur le plan international, notons que la compagnie a été invitée à Paris avec des spectacles en hommage à César Franck et Simenon, à Nancy avec un texte de Jean Brumioul sur les révolutions de 1789, parallèles à Paris et Liège. La compagnie s’est produite à Istanbul et Ankara où elle a fêté ses 160 représentations du « Dîner de cons ». Et puis comptèrent aussi ses tournées en Allemagne, aux Pays Bas, en Suisse, au Luxembourg. A Bruxelles, au Karreveld, tout un été, le Théâtre Arlequin a joué « Le malade imaginaire ». Elle y a révélé les talents dramaturgiques de François Perin en y représentant « Les invités du Docteur Klaust ».

 

Une école d’application

Au début des années soixante, José Brouwers est engagé comme metteur en scène, comédien, dramaturge et attaché de direction au Théâtre Royal du Gymnase, installé depuis 1860 sur la place Saint-Lambert. C’est alors que Christiane Eppe, professeur d’art dramatique, transforme l’Arlequin en école d’application pour les jeunes sortis des académies et conservatoires. Le répertoire s’actualise avec des pièces qui surfent sur la vague de l’absurde ou de la distanciation, dues à Max Frisch, Tardieu, Cousin, Billetdoux, Worms, auteurs aujourd’hui bien oubliés.

Dès 1975, José Brouwers, quittant la direction du Théâtre Royal du Gymnase professionnalise le Théâtre Arlequin. Ouverture de la 19ème saison avec « Candide » de Voltaire. Disparaissant du Laveu, la compagnie passe une saison provisoire dans la salle de l’Union des Fraternelles d’Anciens Combattants, boulevard de la Sauvenière, puis s’installe rue Ruthxiel, à l’ombre de St-Christophe, dès 1968. Elle y aménage une première salle de soixante places dans ce qui est un centre de gymnastique. C’est là que se jouent des spectacles inspirés des BD de Reiser, Wolinski, Krieff, Lauzier, c’est là aussi que l’on crée en Belgique « Le père Noël est une ordure » qui reste à l’affiche une saison entière ou « L’étrange ouvrage des cieux » la seule pièce de théâtre du cinéaste René Clair. La salle rouge dite « Salle Colombine » fut inaugurée avec « Le chandelier » de Musset.

 

Une seconde salle

En l976, s’ouvre une seconde salle de 75 places dans l’espace d’un ancien atelier de menuiserie à la même adresse. Elle sera étrennée par les poétiques « Chansons de Bilitis » jouée en rond, cette disposition suivait une mode passagère née dans les années septante.

Pour pérenniser le théâtre qui fait partie du patrimoine culturel liégeois, la Ville de Liège achètera le lieu où travaille la compagnie et y installera celle-ci.

Depuis soixante-cinq ans, le Théâtre Arlequin cultive un répertoire très varié puisqu’il met à l’affiche des auteurs classiques aussi bien que des œuvres contemporaines. A l’occasion de son jubilé, il a coproduit avec l’Opéra royal de Wallonie « Le bourgeois gentilhomme », comédie ballet de Molière et Lulli. Une comédie musicale, lors du 25e anniversaire de la compagnie, s’intitulait « Arlequin superstar ». Sartre ou Camus¸ Schmitt ou Nothomb sont illustrés au même titre que des auteurs de comédie comme Woody Allen, Assous, Zeller ou Cooney, le Feydeau britannique. Depuis longtemps aussi le Théâtre Arlequin s’intègre aux grandes célébrations de Liège comme le Millénaire de la Principauté, l’Année Simenon, le centenaire du compositeur César Franck ou la grande exposition Picasso.

Sous l’impulsion de l’ex-Gouverneur, Michel Foret, Arlequin est devenu royal en 2006, et Albert II l’a autorisé exceptionnellement à porter le titre de « Compagnie royale ».

 

Des échecs

Il y eut des échecs tout au long de ces années. Les spectateurs ont boudé le spectacle d’hommage à Charles Trenet dont l’ORTF a pourtant réclamé un enregistrement à la RTB. A Eupen, le public n’a pas vraiment aimé la pièce de Claude Spaak qui mettait en scène un déserteur de la Wehrmacht. Au festival du Jeune Théâtre, des contestataires ont chahuté la création collective ; « Anne, que fais-tu dans ton coin à enfiler des perles ? ». Quelques « brechtiens » n’ont pas apprécié « L’opéra de quat’sous ».

 

Des succès

Plus de 200 représentations des « Lettres de mon moulin » et presqu’autant du « Petit Prince ». L’oeuvre sulfureuse de Jean Genet « Les bonnes » est restée à l’affiche deux saisons. Des séries à succès ont couronné « Antigone » ou « L’Etranger ». 10.800 spectateurs ont applaudi « Le bourgeois gentilhomme » représenté à l’Opéra à Liège et au Grand Théâtre à Luxembourg. Arlequin a cultivé ses racines et conquis un public qui n’allait pas au théâtre avec les « Café liégeois » et autres cabarets, dont certains joués dans les années septante à 23 h 30. De nombreux spectacles ont fait le plein au Forum, au Palais des Congrès, au Théâtre de Liège, au Trocadero, au Trianon, au 104...

Des spectateurs ont gardé un souvenir heureux des « Liaisons dangereuses », de « Ma vie avec Mozart », « L’homme éléphant », « Hygiène de l’assassin », « En attendant Godot », pour ne citer que quelques ouvrages, ce qui paraîtra injuste pour nombre d’autres réussites. On sourit encore en évoquant les farces de Cooney ou « La fin du monde » en tournée à Huy, le 11 septembre 2001, le jour où le monde a basculé. Ce soir-là, l’esprit de Guitry l’a emporté sur l’horreur d’un attentat monstrueux, après une intense minute de silence.

 

José BROUWERS

Il aurait dû fêter en 2020 ses septante ans de scène, célébration supprimée à cause de la crise sanitaire. Comédien, metteur en scène, auteur notamment de 27 textes pour la scène, d’un livre de souvenirs et de monographies d’artistes, il a fondé le Théâtre Arlequin en 1956, compagnie dont il est aujourd’hui le président et qu’il a dirigée jusqu’en 2013. Après des études d’art dramatique, il a fait un détour par le journalisme de 1951 à 1963, tout en continuant d’animer sa troupe alors installée dans un quartier populaire de Liège. Il entre en 1963 au Théâtre Royal du Gymnase qui a trôné place Saint-Lambert jusqu’en 1975. Il est adjoint de Charles Joosen, troisième directeur d’une la dynastie, avant d’être appelé à diriger seul le théâtre. Parmi les pièces qu’il a écrites, deux ont remporté en leur temps le Prix biennal de littérature dramatique. Certains ont été représentés en France, en Suisse, en Espagne, en Italie et au Japon. Il a donné deux impromptus, l’un avec Wagner pour héros en coproduction avec l’Opéra Royal de Wallonie qui affichait, à la même époque, les quatre ouvrages qui constituent le « Ring », l’autre représenté au Château de Waroux à l’occasion de la grande exposition en ce lieu du peintre Philippe Waxweiler. Avec celui-ci, il a écrit « Je veux un Magritte », créé à la Cité Miroir et affiché deux mois à l’Arlequin. Il a adapté pour la scène des oeuvres de Camus, Vassilis Vassillikos, Voltaire, Nothomb, Schmitt, notamment. En 70 ans, il a mis en scène quelque 300 spectacles et joué 250 rôles.

La France a élevé José Brouwers au rang d’officier dans l’Ordre des Arts et Lettres pour services rendus à la Culture. La Ville de Liège l’a fait citoyen d’honneur. La Province de Liège lui a décerné le Prix du Mérite. Il a obtenu le Prix Tchantchès en 2006. Aucun ministre de la Culture (27 répertoriés en 70 ans de scène) ne lui a proposé un « jouet de la vanité ».

 

Nous sommes là...


Théâtre Arlequin
Rue Rutxhiel, 3
BE-4000 LIÈGE
04/222.15.43
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